The White Stripes @ le Zénith, Paris.

Tout s’éteint et les voilà, courant vers leur places respectives, la batterie à gauche, l’orgue à droite et pas moins de trois micros pour Jack White, l’un seul, l’autre à l’orgue et le dernier face à la batterie. À peine installé, le duo crache sa sauce. Elle sur sa batterie, la rouant de coups comme si elle voulait l’achever, lui sur sa guitare, se tordant en tous sens et sortant de là-dedans des sons déchirés.

Sale temps pour les instruments de musique.

Avant que je puisse réagir, déjà quatre titres sont passés et le duo s’octroie une rapide pause, le temps pour Jack de saluer et de remercier les gens de venir de plus en plus nombreux à chaque fois qu’ils passent (de rien). À peine applaudis, les Stripes repartent de plus belle, enchaînant Love Sick et Let’s Shake Hands, avant que Meg quitte sa batterie pour venir chanter In the Cold, Cold Night, reprise en chœur par le Zénith, premier moment fort de la soirée. En se rasseyant derrière sa batterie, Mlle White remarque qu’elle bouge encore. Qu’à cela ne tienne, elle l’achève sur Hotel Yorba, Truth Doesn’t Make a Noise et The Hardest Button to Button, totalement passée à la moulinette et pulvérisée en pleine face du public. Le show, en fait, s’enchaîne si vite qu’il arrive que le morceau précédent ne soit pas fini quand débute le suivant. Il y a une parfaite symbiose entre les deux White jouant face à face, les yeux dans les yeux, les corps animés en ombres chinoises furtives sur la toile du fond. Entendre sortir autant de sonorités différentes d’une formation aussi minimaliste est tout bonnement affolant.

Après Death Letter, la foule devient littéralement dingue sous la pluie de stroboscopes de Seven Nation Army, suivie d’I Fought Piranhas et Wasting My Time. Look Me Over Closely est plus calme, ce qui fait du bien, un peu. Cela n’a qu’un temps, évidemment, et les White Stripes repartent de plus belle et semblent ne plus pouvoir s’arrêter, reprenant Detroit Rock City de Kiss ici, frisant l’hystérie sur Jack the Ripper là et finissant par une version magistrale de Ball and Biscuit. Après un solo délirant, Jack abandonne sa guitare exsangue devant son ampli, laissant l’instrument hurler sa douleur en larsens dans tout le Zénith, dont le sol en tremble. Quant au public, il reste là, le souffle coupé par la baffe reçue.

Les lumières ne se rallument pas, la tension ne baisse pas. Ça hurle, ça crie, ça scande le nom du groupe, ça tape des pieds dans les gradins derrière moi, cinq bonnes minutes s’écoulent et les revoilà pour un rappel éclair. En 9 minutes chrono, le duo ajoute trois titres à sa setlist — improvisée, comme tous les soirs — sans qu’aucune accalmie ne semble vouloir venir. Little Room, Fell in Love With a Girl, jouée deux fois, l’une normale et l’autre plus lente, avant un final en apothéose avec I Just Don’t Know What to Do With Myself, la reprise de Burt Bacharach. Un rappel à l’image du concert entier, tellement fort et soudain qu’avant qu’on puisse réaliser qu’ils étaient là, ils étaient déjà partis. Les lumière se rallument, le public en est pantois. Tout simplement affolants. En noir, blanc et rouge, évidemment.