Crise cross.

Church Street, New York, 9 mai.


Church Street, New York, 9 mai.

Il ne me reste pas grand-chose du 11 Septembre. Quelques souvenirs, trois ou quatre photos et un peu de musique. La sensation d’y avoir été sans y être. La nouvelle que je reçois d’un pote basé en Suède alors que je viens d’arriver au bureau et que j’habite à Détroit depuis dix jours à peine. La famille affolée au téléphone. La journée de boulot passée à la trappe et, le soir, alors que je traîne dans un Radioshack d’Ann Arbor à la recherche de matos, les images à la télé de l’attaque américaine sur Kaboul, admirée par tout un magasin assoiffé de vengeance alors qu’on ne sait même pas qui est responsable des attentats de New York.

Des jours suivent dans un flottement cotonneux. Les rayons patriotiques fleurissent dans les magasins et répandent une nouvelle hémorragie de drapeaux sur un pays qui en arbore pourtant déjà trop. Les bagnoles, les cravates, les rubans… les slogans United we stand sont partout et VH1, dans mes souvenirs, tourne en boucle sur trois titres :

 LiveOvercome

 StingFragile (WTC tribute)

 U2Walk on (WTC tribute)

Jusqu’à l’écœurement.

Ce qui m’étonne le plus dans l’après 11 Septembre, ce n’est pas ce mec avec qui je cause bourré le samedi soir suivant, assis sur un trottoir de Liberty street, qui m’annonce étonné « qu’il paraît que les Palestiniens et les Israëliens aussi sont en conflit, » mais plutôt la fervente union sacrée qui unit subitement tout le pays. Pour un étranger qui n’a vu ça chez lui qu’une fois (et encore : au bout d’une nuit à chanter du Gloria Gaynor et du un et deux et trois zéro en buvant des bières, c’était terminé), ça fait un choc. L’on verra tour à tour poindre la peur de l’anthrax, puis les fameuses couches-culottes patriotiques et en janvier 2002, enfin, Chuck the Freak ne sera pas peu fier d’annoncer dans les nouvelles du matin sur 89X que « le Michigan est le premier état américain à proposer des plaques d’immatriculation patriotiques pour voiture. » Si c’est pas la frime, ça… United we stand in the same traffic jam, maintenant.

Bref, tout ça manque de photos de Ground Zero. On se rattrapera, va.

[Cette notasse n’a que peu d’utilité, si ce n’est que de me rappeler quand je serai vieux que j’ai trop vécu des trucs de fou dans ma folle vie, comme Boulet en somme, mais en vachement moins bien. Promis, on retourne à l’anormal dès demain.]