Aerosmith – Get a Grip

Autobiodiscographie #13.

#23
Label :
Geffen
Sortie : 20 avril 1993
Producteur : Bruce Fairbairn

Ça doit être à travers la radio à l’orée de l’été 1993. C’est Cryin’ que j’ai entendu en premier. Certain. Cryin’ au collège c’est la frime intergalactique, LE CD single à avoir dans ton mange-disque si tu veux que la Fanny se laisse embrasser avec la langue, LE clip romantique où Alicia Silverstone fait des tours de circuit avec son gros qui lui palpe le tété de sa glabre main, chacun tatoués d’une moitié du même cœur, avant de sauter d’un pont en faisant des fucks comme une vrai rebelle à chemise à carreaux. Pas besoin de plus pour aller copier chez une copine la cassette dont est tiré le morceau, un truc nommé Get a Grip, avec un pis de vache lui aussi super-rebelle puisqu’il est tout percé1.

Get a Grip est accrocheur dès son entame monstrueuse sur Eat the Rich et tout aussi efficace sur des Walk on Down, des Fever (bande-son de 205 junior ça, je m’y revois, tiens, écumant fièrement la départementale 989 à fond de 4e, le lecteur de cassette au taquet et la tête au vent à 90 sulfureux kilomètres à l’heure), des Get a Grip et des Line Up, se danse en hurlant sur un à-moitié-bien nommé Shut Up and Dance, mais marque surtout des points dans les radios djeunes avec Cryin’, donc, surtout dans les couches de la population les plus intéressées par l’embrassade avec la langue. L’autre single qu’on entendra en France, Crazy, marchera nettement moins bien, même si son écoute me replonge intensément dans de langoureux après-midis d’été vautrés dans l’herbe où les grandes vacances faisaient plus de trois jours, aaaah voilà ma folle jeunesse tristement fanée. Les vrais ballades, pour leur part, resteront cantonnées sur l’album : Livin’ on the Edge, puissante comptine déchirante et sur-orchestrée et Amazing, plus sage et intimiste. Comme celles des Guns N’Roses, ce genre de compo lente et intense où le beau chanteur (à grande bouche) épanche sa souffrance intrinsèque sur fond de grands orchestres et de soli déchirés du beau guitariste (à grande bouche) va démocratisatiser le hard rock aux chevelures savamment négligées (et aux grandes bouches) auprès de ceux qui écoutaient Bob Marley, Michael Jackson, Ace of Base, Snow2 et Corona sur Fun Radio.

Guns N’Roses, donc. Guns N’Roses qui, d’ailleurs, après avoir marché sur les traces des Aerosmith en question (musicalement parlant, mais aussi toxiquement) et avoir fait leurs premières parties à la fin des années 80, vont leur servir de modèles pour rajeunir leur public. Outre les ballades en légion, Get a Grip jouit ainsi de titres énervés faciles d’accès servant de terrain de jeu à un Joe Perry aussi inspiré que Slash ― normal, celui-ci s’étant inspiré de celui-là ― et les traces de pistolets et de roses s’y ressentent un peu partout sur l’album, si vous me croyez pas écoutez donc à la suite Can’t Stop Messin’ sur Get a Grip et Bad Apples sur Use Your Illusion I, par ailleurs sur le même label, vous verrez bien. Pour sceller ― et étendre au-delà des États-Unis ― le retour au succès entériné avec Pump en 1989, Aerosmith mettra toutes les chances de son côté : album actuel dans l’intro duquel on place une savante pincée du riff du Walk This Way qui les sauva du chômage en 1984 pour apprendre aux jeunes que oui, le tube de Run DMC, c’était eux3, et autant d’invités que chez Dick Rivers ou Johnny Hallyday (Don Henley des Eagles, Lenny Kravitz et une ribambelle d’auteurs grammisés). Pour la promo, pas de problème : Aerosmith s’incrustera sur les BO de Last Action Hero et Beavis & Butthead et s’imposera dans Wayne’s World 2, après avoir copiné avec Mike Myers et Dana Carvey dans Saturday Night Live pour un Wayne’s World Theme d’anthologie avec Tom Hanks en guise de roadie. Au final, Aerosmith va fédérer deux générations autour de leur discographie, moi inclus, tout content de trouver leur 4 premiers LP dans la collec’ de mon père et de m’initier à des Dream on4, Same Old Song and Dance, Train Kept a-Rollin’ ou Mama Kin. Évidemment, je ne serai jamais fan d’Aerosmith, même si ma vénération adolescente des deux Wayne’s World me fait les considérer comme de bons potes. Je ne jetterai même pas une oreille à l’album suivant et j’en entendrai de moins en moins parler (à part comme tout le monde pour I Don’t Want to Miss a Thing sur la BO d’Armaggeddon où Liv Tyler regarde son père à grande bouche s’estomper dans la neige d’un écran de la Nasa5). Mais n’empêche, rien que pour ses ballades, ses grandes bouches et son goût d’été, même si d’aucun diront qu’avec ce truc, Aerosmith s’est vendu6, Get a Grip était fait pour cette époque. Au risque de difficilement y survivre, peut-être. Mais c’est une autre histoire.

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1 Notons que la méga-frime de l’époque était d’être en possession de l’album dans son édition limitée à pochette en peau de vache 100% polystyrène véritable. Encore maintenant, j’envie ceux-là.

2 Mais si, vous vous souvenez, Snow c’était ça.

3 Gageons qu’au prochain come-back, leur album démarrera sur un sample de Dream on pour rappeler aux kids que le tube d’Eminem, c’était aussi eux.

4 (dont la version la plus mortelle reste celle-là, que Hard Force Magazine m’avait filé en CD promo cadeau quand je m’y suis abonné. Ils étaient sympa, Hard Force Magazine.

5 Notez le symbole, puisque 15 ans auparavant Tyler a effectivement failli finir par s’évanouir dans la coke en cherchant le ciel.

6 Ce à quoi l’on peut rétorquer qu’Aerosmith n’avait de toute façon plus grand’chose à vendre.

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I En voilà un horrible mot.

Extraits

  • #2 – Eat the Rich
  • #4 – Fever
  • #5 – Livin’ on the Edge
  • #9 – Cryin’
  • #14 – Amazing