Guns N’ Roses – Appetite for Destruction

Autobiodiscographie #11.

#18
Label :
Geffen
Sortie : 21 juillet 1987
Producteur : Mike Clink

En 1992 les chemises à carreaux sont des vêtements cools, les bandeaux dans les cheveux et les bandanas au poignet des accessoires cools, les têtes de mort des dessins cools, le hard rock une musique cool, le Jack Daniel’s une boisson cool et les Guns N’Roses, en utilisant tout ça en même temps, sont forcément des gars cools. Même avec un chanteur roux.

Ce qui est étrange, c’est qu’à l’époque, si Appetite for Destruction s’est déjà écoulé à quelques tonnes de copies [il en est aujourd’hui à 15 millions, ce qui en fait le troisième premier album pour un groupe le plus vendu de l’histoire1 derrière Boston et… Hootie & the Blowfish.], personne autour de moi n’en entend parler avant la fin des six mois d’écoute en boucle de Use Your Illusion au bout desquels nous nous décidons enfin à aller voir plus loin, histoire de découvrir du vieux qui sonne tout neuf. Je chope une cassette quelque part, avant de recevoir le CD pour mon anniversaire. Le truc entre en joue-liste et ses dessins commencent à polluer mes agendas, la croix de la pochette2 en tête. Dessus rien à jeter, de l’hymne Welcome to the Jungle au sulfureux final Rocket Queen (dont la légende dit que les cris équivoques sont ceux d’une strip-teaseuse que Rose se tapait dans le studio pendant l’enregistrement, ce dont je doute fort), en passant par You’re Crazy, My Michelle, Out Ta Get Me et Anything Goes. Sans compter It’s so Easy, ce truc de méchant qui te fait te sentir comme un rebelle graisseux, même quand t’as 14 ans, les cheveux courts et que t’as jamais touché une canette.

Mais s’il y a UN truc à retenir d’Appetite for Destruction, ça reste Paradise City. Oui, Paradise City. Non, pas Sweet Child o’Mine. Sweet Child o’Mine, c’est un truc de chochotte, malgré le solo dramatique de Slash et le suspens insoutenable qui règne dans le break interrogateur ponctué du fameux « where do we go now, sweet child? », une question à laquelle Rose ne sachant répondre, préfére se réfugier dans des aïaïe, des hans hans et des no no qui noient le poisson ad lib sans qu’on sache au final où ils s’en vont, laissant l’auditeur dans un océan de frustration interrogative à rendre dingue (justifiant cette pertinente analyse, Sweet Child o’Mine est directement suivi sur l’album de You’re Crazy. Coincidence ?). Sans compter que quand t’es célibataire, te faire conter de pareilles mièvreries acidulées t’énerve autant qu’une pub pour Alice ou qu’une couve sur les Plasticines, et que ― sur et avant tout ― Sweet Child o’Mine a été repris par Sheryl Crow et que ça mon pote, c’est un peu la honte. Paradise City, au moins, a un message clair : d’entrée de jeu l’auteur annonce la couleur ; il souhaite être mené vers cette ville paradisiaque où le gazon est vert et les filles sont pas flasques3, un endroit qu’il considère d’ailleurs d’ores et déjà comme sa patrie ― rappelant le « j’y pense donc j’en suis » fondateur de la pensée cartésienne ―, et chante ce message d’une verve assez fédératrice pour que ce refrain devienne l’hymne de toute une génération, encore plus fort qu’On est les champions, La bite à DuduleLa Zoubida, posant ainsi les bases de l’insatiable soif d’herbe verte qui caractérisera la jeunesse des années 1990. Dans la deuxième partie du morceau, l’ami chevelu, frisu, chapu et marlboru du narrateur, venant à son aide du son de sa Gibson, imprime à l’œuvre un climat d’urgence virile et finement suante traduisant tout le drame de la situation ; si personne ne prend conscience de leur appel au secours conjugué, les deux compagnons resteront intolérablement dans leur ville pas cool, où le gazon est rouge et la tronche des filles fout les boules. L’appel à l’aide est transmis en mettant assez de passion dans leur propos pour que l’auditeur se sente indéniablement solidaire de leur malheur, donc concerné par le morceau, et conséquemment entièrement conquis4.

Je me demande combien se sont endormis, là.

Bref, tout a une fin, Appetite for Destruction y compris, surtout au lycée. À part en première, quand le patron du Tabou installe le flipper GN’R au fond du bar et que Welcome to the Jungle accompagne le début de chaque partie [et de chaque demi]. Et surtout en 2004, plus de 10 ans après les faits, quand au fin fond du State Theater de Détroit, entouré par des groupies d’époques ― donc défraîchies ― je regarde Slash, sa clope, son chapeau et sa Gibson balancer la purée d’un It’s So Easy vite repris par le reste de Velvet Revolver, à me répéter sans cesse que si on avait dit au gamin qui écoutait Appetite for Destruction enfermé dans sa piaule en 1993 qu’il finirait par voir ça en vrai, il ne l’aurait pas cru. À 11 années d’intervalle, la même flamme dans les yeux, subitement ravivée. La vie est définitivement parsemée de choses pour lesquelles on aura toujours 15 ans.

Extraits

  • #1 – Welcome to the Jungle
  • #2 – It’s so Easy
  • #6 – Paradise City
  • #9 – Sweet Child o’Mine
  • #12 – Rocket Queen

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1 Ça sonne compliqué, ça.

2 Pochette alternative puisque l’originale, postée ici, fut boycotée par MTV à sa sortie.

3 « Jolies » aurait été plus précis, mais eut encore moins rimé avec paradisiaque.

4 En terminant ce passage, je réalise que si le sujet de philo au bac avait été « Expliquez pourquoi et comment Paradise City, par le message qu’elle véhicule, est une œuvre bien plus utile à l’évolution de l’humanité que Sweet Child o’Mine, en n’oubliant pas de citer Descartes. », j’aurais peut-être eu plus de 6 en dissert’, moi.