Iron Maiden – Fear of the Dark

Autodiscobiographie #5.

#10
Label :
EMI
Sortie : 12 mai 1992
Producteur : Martin Birch

Je ne sais toujours pas ce qui m’a pris ce soir d’août 1992. Peut-être l’euphorie du frisson de l’interdit, alors que nous nous étions barrés, le Bardy et moi, du camping que ses parents tenaient en bord de Meuse pour aller squatter le salon du Péch’ pendant que sa famille se faisait un resto. Il y avait d’autres potes : son voisin d’en face, ainsi que le mien, peut-être, et le Kujawa. Qui a brandi la cassette ? Aucune idée. Je sais simplement qu’elle a tout changé. Un seul riff ― le tout premier, celui qui ouvre Be Quick or Be Dead ― aura suffi pour que moi, depuis toujours imperméable au heavy metal, découvrant à peine Nirvana, j’y cède d’un coup, en une seconde. Dans le seul souvenir qui me reste de la soirée ― avant le retour des parents et l’évacuation du Péch’ par une échelle posée sous sa fenêtre pour aller faire les cons en ville jusqu’à l’aube ―, je joue de la guitare en carton sur le solo de (encore) Be Quick or Be Dead avec un rouleau à poster ; poster que j’envoie valser en me retournant trop vite dans une statue de saint en granit breton qui s’explose aussitôt le nez dans la commode sur laquelle il est posé1.

Be Quick or Be Dead peut faire l’effet d’une vaste blague dès le cri d’horreur de Dickinson démarrant l’album, mais sans rire, on a rarement vu plus efficace sur un gamin de 14 piges. Fear of the Dark est une initiation, l’entrée d’un monde dans lequel j’habiterai un peu plus de 5 ans. Même si je vais acquérir ― et écouter en boucle ― le Live After Death avant d’avoir pu copier la cassette de mon pote, j’y reviendrai vite, mais pas longtemps. Parce que Fear of the Dark, comme tous les autres albums de Maiden, n’est qu’un prétexte à attendre le concert qui suivra la sortie de l’album, puis le live qui suivra le concert. Passé 1984 et Powerslave, Maiden en studio, c’est moyen. La production est trop étouffante, le son trop feutré, les claviers trop présents. Maiden assure bien mieux en concert, où le son redevient brut et où le public est l’arme de sa propre hystérisation massive. Une fois qu’on a entendu la version live d’un morceau de Maiden, on n’apprécie plus l’original. Pas assez intense, pas assez direct. Jeter l’album au profit du live suivant. Évidemment, les meilleurs titres de Fear of the Dark, puisqu’ils le sont, reviennent plus forts sur A Real Live One l’année suivante : From Here to Eternity et ses chœurs damnés, la complainte anti-guerre en Irak Afraid to Shoot Strangers, Fear of the Dark, le final homonyme, depuis hissé au statut d’hymne universel des fans du groupe, et même la ballade mièvre Wasting Love, enregistrée à la grande halle de la Villette le 5 septembre 1992 et réputée pour son intro en français de Dickinson2. J’écoute sans me lasser, des années durant. Dès sa sortie, A Real Live One envoie Fear of the Dark tout droit dans l’étagère, avant de l’y suivre quand débarque Live at Donnington. En le ressortant aujourd’hui, je le trouve fade, comme dévitalisé, d’une autre époque. Mais une époque qu’il a ouverte, et ça c’est pas rien.

Extraits

  • Be Quick or Be Dead
  • From Here to Eternity
  • Afraid to Shoot Strangers
  • Judas Be My Guide
  • Fear of the Dark

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1 je suis sûr que, plus de 20 ans après, la trace de nez se pavane toujours sur cette même commode, quelque part en banlieue lyonnaise.

2 « L’amour, c’est n’est pas un homme… fuck… une amie. Ce n’est pas, non. L’amour c’est plus en bas, dans la tête, dans le cœur, dans toute le forme ». Ça se retient mieux qu’une leçon d’allemand, ça, hein.