U2 – Achtung Baby

Autodiscobiographie #3.

#8
Label :
Island
Sortie : 19 novembre 1991
Producteurs : Daniel Lanois, Brian Eno

Encore un acheté par mon père. Il le passera en boucle1 dans sa Citroën dès sa sortie, ce sera la bande-son de mon premier train seul vers Paris aux vacances de Pâques 1992. Whose Gonna Ride Your Wild Horses, cinquième piste, accompagnera même ma première rupture2 en 1993. Et One, c’est One. Pas besoin de présenter One, tout le monde connaît One. Love Is Blindness, va savoir pourquoi, me replonge pour sa part toujours dans ce vendredi après-midi de seconde ou le Lagerbe3 s’est fait virer de l’internat pour avoir violemment cathédralé4 je-ne-me-souviens-qui. Et l’ouverture Zoo Station, invariablement, me remet sous une douche de samedi matin de 3e avant le cours d’histoire de 10 h5. Je ne l’explique pas non plus.

Sorti des titres d’amour rose et joli (One, Whose Gonna Ride Your Wild Horses) ou noirs et funèbres (Love Is Blindness), Achtung Baby laisse filtrer à travers riffs réverbérés et arrangements émergents un romantisme aux atours urbains, comme un vieux béton recouvert de graphes. Sa pochette et son lieu d’enregistrement influent-ils sur la perception de sa musique ? Peut-être. En partie capté dans un studio berlinois, là-même où Bowie travailla avec Eno 15 ans avant, Achtung Baby naît 2 ans après la chute du mur et quelque mois après celle de l’URSS, alors que l’Est s’éveille et que U2, franchissant l’épreuve du renouvellement, revit. Tout cela m’y fera beaucoup repenser, une fois arrivé à Sarajevo. Premier album d’un nouveau cycle, Achtung Baby est l’album de la transition critique du U2 des années 80, marqué par l’Amérique et constant dans son style d’un bout à l’autre de la décennie, à celui des années 90, sémillant, grandiloquent, expérimental, né dans la crise et concluant la décennie chiant comme la mort. C’est une réussite qui ouvre la porte aux tournée records qui se succéderont de 1991 à aujourd’hui, la première page d’un deuxième chapitre qu’on pressent à l’époque palpitant6. Me le repassant aujourd’hui, je réalise que nous nous sommes perdus d’écoute7 et qu’il m’est maintenant plus étranger que Rattle and Hum, qui pour sa part m’a suivi tout le long du chemin8. Cela ne lui enlève pas pour autant son statut de porte d’entrée sur la discographie du groupe et ses premiers albums. Un passage obligé, comme un hall d’entrée dans lequel on ne restera, au final, pas si longtemps, mais auquel on reste lié.

Extraits

  • Zoo Station
  • One (1992 – #6)
  • Until the End of the World
  • Ultra Violet (Light My Way)
  • Love Is Blindness

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1 Mon père écoute toujours tout en boucle. Le pire du pire, c’était la grande époque de la cassette single, où l’on pouvait se taper 120 bornes avec à la suite 23 écoutes de Love Song for a Wampire / Little Bird d’Annie Lennox, on dirait du vécu, oui oui ma bonne dame, c’est du vécu.

2 Déposer vos larmes d’émotion sincère ici.

3 Véridique. Ça s’invente pas, comme nom de famille.

4 Cathédraler v. t. (de cathédrale) Dresser subitement et en pleine nuit un lit et son occupant selon un axe de rotation passant par les deux pieds de tête du lit et parallèle au mur du fond. Voir aussi benner, sa variante latérale.

5 J’avais vraiment une vie de punk rebel de la mort, en ces temps reculés.

6 À l’époque, hein. On a pu depuis voir dans quoi tout ça s’est enlisé.

7 Waw, cette figure de style, c’est la frime.

8 Nous y reviendrons.