Into the wide #67.

Quai de Conti, Paris, 20 avril.


Quai de Conti, Paris, 20 avril.

Il y a douze ans, les Pistons de Détroit étaient en finale NBA.

Il y a onze ans, les Pistons de Détroit étaient encore en finale NBA.

Il y a dix ans, les Pistons de Détroit étaient en vacances après s’être fait vider comme des nases en sept manches de finale de conférence par Miami.

Il y a neuf ans, les Pistons de Détroit étaient toujours en vacances, cette fois-ci grâce à Cleveland.

Il y a huit ans, j’en avais marre de ressasser chaque année des histoires de basket, ce sport de nase, tout ça à cause de la grève de 2004 qui m’avait forcé à causer dès l’origine de basket, ce sport de nase, plutôt que de hockey sur glace. Cette année-là, donc, les Red Wings de Détroit emportèrent le championnat et tout le monde fut content, sauf moi1.

Il y a sept ans, j’étais persuadé que Détroit allait redevenir champion en regagnant contre rePittsburgh puisque le septième match de la finale, c’était le soir-même et que sur les 14 fois précédentes où la coupe s’était jouée en sept manches, l’équipe qui accueillait avait gagné 12 fois. Je pensais que c’était pas plus mal, parce que ça allait donner au moins un truc à fêter dans le Michigan cette année-là. Manque de pot, Pittsburgh gagna 2-1, ce qui prouvait bien que dans la vie, rien n’est gagné d’avance.

Il y a six ans, Détroit s’était fait éliminer par San Jose en demi-finale de conférence, Chicago avait remporté le championnat pour la première fois depuis 1961 et se rebaptisait Hawkeytown pour faire la nique au Hockeytown de Détroit, ce que je trouvais fort drôle car j’ai toujours préféré Chicago à Détroit.

Il y a cinq ans, Détroit s’était encore fait éliminer par San Jose en demi-finale de conférence alors que Chicago s’était injustement fait sortir par Vancouver dès les quarts de finale de conférence en prolongation après avoir remonté un déficit de 3 matchs et imposé une 7e manche. Du coup c’était Vancouver qui allait gagner. Ou Boston. Oui, finalement c’était Boston.

Il y a quatre ans, Nashville, non content d’avoir piqué Jack White et ses potes à Détroit, en avait profité pour également les éliminer au premier tour, pendant que Chicago se faisait sortir par Phoenix dès le premier tour aussi. Pas de jaloux cette année-là, donc, et Los Angeles avait pu en profiter pour niquer tout le monde en se qualifiant à l’arrache pour les séries avant de dégager sans mal et dans l’ordre le 1er, le 2e puis le 3e de la conférence et finalement New Jersey cette nuit-là-même pour gagner le premier championnat de leur histoire et oublier leur finale perdue en 1993 contre les traîtres et les faux-jetons.

Il y a trois ans, Détroit et Chicago se rencontraient en demi-finale de conférence pour la dernière fois et c’était Chicago qui avait gagné de justesse en 7 matches après avoir été menés 3 victoires à 1. Détroit se retrouvait donc en vacances pendant que Chicago entamait sa finale du championnat ce même soir contre Boston — et s’apprêtait donc à remporter un 2e titre en 3 ans, donc, mais ça nous ne le sûmes que plus tard —, ce qui promettait une fatigante semaine.

Il y a deux ans, Détroit était en vacances depuis un bon mois après s’être fait éliminer dès le premier tour par Boston et Chicago avait injustement perdu en prolongation du 7e match de la finale de conférence face à Los Angeles, une bande de pâles types qui, à l’heure qu’il était, était en train de remporter la finale face à New York, quoique ayant perdu le 4e match cette nuit-là.

Il y a un an, Détroit se faisait vider dès le premier tour en sept manches par Tampa Bay, qui s’était ainsi frayé un chemin jusqu’en finale contre Chicago, où l’on en était à 2 victoires partout dans une série très très stressante, et je n’avais pas vu de rasoir depuis plus de deux mois, ce qui commençait à gratter. Chicago l’emporta 4 victoires à 2 et tout le monde fut content, surtout moi qui put me raser en chantant.

Aujourd’hui, Détroit et Chicago se sont tous fait toquer dès le premier tour depuis 2 mois, respectivement contre Tampa Bay et Saint-Louis, donc pas de jaloux, et j’attends que San Jose batte Pittsburgh en finale (ou le contraire, va savoir) en caressant mes belles joues glabres.

 

Il y a douze ans, je déjeunais avec des cookies Pepperidge Farm au milieu d’un bureau quelque part à Pontiac.

Il y a onze ans, je déjeunais avec des cookies Hello® de Lu au milieu d’un bureau quelque part à Évry.

Il y a dix ans, je déjeunais avec des Prince chocolat au milieu d’un bureau quelque part à Clamart parce qu’on était lundi.

Il y a neuf ans, je déjeunais avec un Panier® de Yoplait au milieu de toujours le même patin de bureau. Je me sédentarisais un peu trop, là.

Il y a huit ans, je déjeunais avec des tartines beurrées au milieu d’encore le même !@#$ de bureau, au secours quelqu’un, mais personne ne vint.

Il y a sept ans, je déjeunais tard avec un sandwich au milieu d’un bureau dont je n’osai même pas avouer l’emplacement.

Il y a six ans, je déjeunais avec un café au milieu d’un endroit qui n’était pas un bureau, parce que c’était samedi.

Il y a cinq ans, je déjeunais avec un autre café au milieu du même endroit qui n’était pas un bureau, parce que c’était dimanche.

Il y a quatre ans, je déjeunais avec des cookies Pepperidge Farm Sausalito® (qui sont pas les meilleurs Pepperidge Farm mais il ne me restait que ça) au milieu d’un bureau quelque part dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Il y a trois ans, je déjeunais avec un croissant et une pomme, parce que, comme le dit le dicton, « une pomme matin ou soir envoie le médecin se faire voir », au milieu du même bureau quelque part dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Il y a deux ans, je déjeunais avec des couquies Pepperidge Farm aux grosses grosse pépites de chocolat — les verts —, qui sont de loin les meilleurs couquies Pepperidge Farm de tout l’ouest du Pecos, pour la dernière fois dans le même bureau quelque part dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Il y a un an, je déjeunais avec un croissant aux amandes assez roboratif pour me tenir la journée, dans un bureau d’un 9e étage du XIIIe arrondissement de Paris.

Aujourd’hui, je ne déjeune pas encore, car c’est dimanche et que le dimanche, on déjeune tard.

 

 

Il y a douze ans, j’allais voir Franz Ferdinand au Majestic Theater de Détroit.

Il y a onze ans, j’allais voir Ghinzu à l’Olympia de Paris.

Il y a dix ans, j’allais voir si j’allais voir Guillemots à la Boule Noire de Paris ce soir-là ou bien, pour ne finalement pas y aller.

Il y a neuf ans et un jour, les White Stripes au Zénith de Paris. Les deux jours suivants, Mademoiselle K à l’Élysée-Montmartre de Paris puis au Trabendo de Paris. Y’avait pas à dire, on n’avait pas des vies faciles. Et je passais beaucoup trop de temps à Paris.

Il y a huit ans, j’allais voir Supergrass à l’Élysée-Montmartre de Paris, qui comme son nom l’indiquait, était toujours à Paris, donc moi aussi.

Il y a sept ans, j’allais peut-être voir Elmer Food Beat toujours dans le même Élysée-Montmartre de Paris, parce qu’un photographe de rock et de roll a raté sa vie si, à 50 ans, il n’a jamais photographié de chanteur bedonnant en zlip kangourou. Et j’y allai. Ma vie fut sauvée ce soir-là.

Il y a six ans, après être allé la veille au Stade de France de Saint-Denis, juste à côté de Paris, avec plein de gens, voir Muse se produire, je réallais le resoir-même au reStade de France de reSaint-Denis, rejuste à côté de reParis, avec replein de gens, pour revoir reMuse se reproduire. Oh mon dieu. C’était un piège.

Il y a cinq ans, je n’allais rien voir du tout dans aucune salle de Paris car on ne peut pas vivre des trucs intéressants tous les ans non plus.

Il y a quatre ans, je n’allais rien voir non plus dans aucune salle de Paris non plus, mais seulement parce que je le voulais bien ou bien.

Il y a trois ans, je n’allais voir encore-non-plus parce que va savoir pourquoi.

Il y a deux ans, j’allais voir Tom Vek à la Flèche d’Or de Paris.

Il y a un an, je n’allais rien voir non plus parce qu’il y avait bar et qu’on ne peut pas être au mour et au foulin.

Aujourd’hui, je vais voir la troisième journée du Téléchargement Festival au chevalodrome de Longchamp de Paris pour voir des métalleux, boire des bières et manger des Monster Munch® gratuits.

 

 

Il y a douze ans, je m’éveillais le matin au doux son de Bonjour Le Monde !, sur CBEF Windsor, avec Charles Lévesque et Maryse Tourette, dans ma voiture lancée à vive lenteur sur Orchard Lake Road.

Il y a onze ans, je m’éveillai au doux son de Marylin Manson, dans mon RER D lancé à vive lenteur sur RER D Trail.

Il y a dix ans, je m’éveillais au doux son de Wayne Coyne introduisant son acoustique de Thank You Jack White (For the Fiber-Optic Jesus That You Gave Me)2 par « Always read the instructions before plugging in a gift from Jack White. »

Il y a neuf ans, je m’éveillais doucement au doux son de Que de la radio sur la 3, en bénissant une fois de plus le ciel pour avoir inventé la Suisse.

Il y a huit ans, je m’éveillais doucement au doux son de la douce voix d’Émilie Gasc-Milesi visitant le musée d’ethnographie de G’nève, avant d’envoyer Beck chanter Cellphone’s Dead, un titre pas entendu depuis pfioulala-ça-nous-rajeunissait-pas, toujours dans Que de la radio et toujours sur la 3, c’était dingue.

Il y a sept ans, je ne m’éveillais plus car il était tard, mais au son de toujours-la-même-3 qui passait une version jazzy à la guitare de Pump Up the Jam, reprise par The Lost Fingers, qui sonnait super bizarre, je me demandai subitement si je m’étais vraiment éveillé ce matin.

Il y a six ans, je m’éveillais au doux son de la rediff’ de la première de 2-0 en cabine, la principale attraction de la coupe du monde de foute qu’on était tous fans et que je n’avais pas pu écouter la veille pour cause de Muse. Ignacio Chollet, épouse-moi.

Il y a cinq ans, je m’éveillais au doux son d’Au milieu du village, promenade dominicale, la compilation hebdomadaire du monument de bon goût et de sociologie qu’était Au milieu du village, ce qui montrait bien que je change rarement de crèmerie radiophonique.

Il y a quatre ans, je m’éveillais au doux son de Plata O Plomo de Soulfly dans Que de la radio, sur la 3 et ce pour la dernière année, vu que le Dujany se cassait à la fin de la saison pour aller voir ailleurs s’il y était, mais seulement après qu’il eut finit d’imiter Max Cavalera dans le poste.

Il y a trois ans, je m’éveillais au doux son du Ghost Rider de Suicide qui closait l’épisode sur le CBGB de la semaine spéciale Famous Nightclubs d’Audioguide dans le Bronx sur devine-un-peu-quelle-radio.

Il y a deux ans, je m’éveillais au doux son d’Anselme, l’invité très très naïf qui ressemblait à une pizza digérée parce qu’il mettait des tonnes d’Axe® pour attirer les filles et qui mourrait bêtement en sautant par la fenêtre parce qu’il venait de boire un Redbull® de Tartare, la chronique débile de dans One-Two l’émission du matin sur évidemment-toujours-la-même-radio, une émission drôle qui s’arrêtait le lendemain parce que la grille d’été commençait dès le lundi et pas au moment des Eurockéennes comme chaque année, ce qui me perturbait beaucoup cette phrase est très longue.

Il y a un an, je m’éveillais au doux son de la spiquerine de One-Two (son à 1 h 20 min 22 s dans le fichier) sur c’est-même-plus-la-peine-de-dire-quelle-radio, qui était en train de danser la Carioca avec un Doquin de Saint-Preux qui chantait très, mais alors très très mal.

Aujourd’hui, je m’éveille au doux sons des Classiques de Marc Ysaÿe sur Classic 21 – car, par tradition familiale millénaire, le dimanche matin, on écoute les Classiques de Marc Ysaÿe – qui nous décrasse l’émetteur avec Modern Times Rock ‘n’ Roll de Queen, sur le premier album, que je n’avais jamais entendu, comme quoi il n’est jamais trop tard pour apprendre.

 

Il y a douze ans, il faisait beau.

Il y a onze ans, il faisait beau aussi.

Il y a dix ans il faisait beau et surtout chaud, j’étais déjà liquéfié alors qu’il n’était que 10h et ça, ça suçait grave.

Il y a neuf ans il faisait gris, ce qui suçait un peu moins.

Il y a huit ans il faisait gris aussi, ce qui me faisait réaliser que mon histoire se répétait un peu trop, ces temps-là.

Il y a sept ans, il faisait carrément moche. Ça devenait une tradition.

Il y a six ans, il faisait moche aussi. Je croyais qu’on m’en voulait personnellement.

Il y a cinq ans, GLORIA ALLELUÏA il faisait enfin beau, dis donc.

Il y a quatre ans, il refaisait remoche. ¡Caramba! Encore raté.

Il y a trois ans, il continuait à faire moche. C’était désespérant.

Il y a deux ans, il faisait beau et chaud. Ou chaud et beau. Je ne savais pas trop.

Il y a un an, il fait très beau et très très chaud et je pensais fondre avant ce soir-là (ce qui n’arriva heureusement point).

Aujourd’hui, il ne fait ni vraiment beau, ni vraiment chaud, ou peut-être le contraire.

 

 

Il y a douze ans, nous étions le 12 juin.

Il y a onze ans, nous étions le 12 et un jour, ce qui signifiait que j’étais en retard.

Il y a dix ans, nous étions le 12 juin, ce qui voulait dire que je sais retenir les leçons du passé.

Il y a neuf ans, nous étions encore le 12 juin, et je n’avais réalisé que 5 minutes auparavant que le 12 juin, c’était il y a neuf ans.

Il y a huit ans nous étions, c’est fou ça, le 12 juin.

Il y a sept ans nous étions, grâce à l’implacable régularité cyclique super-prévisible du calendrier grégorien, deviniez quoi ? Le 12 juin.

Il y a six ans, nous étions justement un il y a six ans qui tombait un 12 juin. Mais pas le même que les autres.

Il y a cinq ans, nous étions la veille du 13 juin et donc le 12. C’était épatant.

Il y a quatre ans, nous étions encore le 12 juin, croyais-je.

Il y a trois ans, il me semblait, si je me souvenais bien, que, voyiez-vous, nous étions le 12 juin.

Il y a deux ans, nous étions encore et toujours le 12 juin.

Il y a un an, et ce grâce — ou à cause, tout dépend du point de vue duquel on se place —, Il y a un an,donc, selon — ne nous mouillons point — la marche immuable de l’univers vers le bonheur universel et le progrès mondial, nous étions, si j’avais bien compris, le 12 juin.

Aujourd’hui, nous sommes, une fois encore, le 12 juin.

 

 

 

Et une qui font douze. Douze ans, c’est aussi long que le règne de Brutus au Vert Écu, la construction du Suncorp Palace de Sydney, la retraite de Kalou Rinpoché dans les montagnes du Kham ou la carrière internationale de notre héros Roger Marche. Cette année, c’est un peu spécial car, si j’ai bien failli ne pas boucler le tour, j’ai surtout réalisé qu’il n’est pas une année sans risque de ne pas boucler le tour. Ça change la vision des choses.

We lived through another day,
It’s a good excuse to celebrate.

Quoi qu’il en soit, ce journal est patiemment devenu au fil des années un mammouth d’une ère numérique révolue. Encore un an ou deux et je le fais inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco.

Mais à part ça, rien.

À demain.

 

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1 Et deux années plus tard, je me décidai enfin à vous expliquer pourquoi.

2 Que je conseille au passage toujours toujours toujours autant pour les commentaires qu’il fait tout au long du morceau. Il est chez le belögue mort de Vox.