The Wombats @ le bateau qui flotte, Liverpool.


Condensation : 1 – Eos 20D : 0

Être rock en 2007, c’est braver la grève pour rallier Liverpool, goûter la gastronomie locale en chopant des vinyles de Bébichemble dans l’arrière-boutique d’un HMV, chibrer une chambre d’hôtel à coups d’oreillers, monter sur un bateau pour un concert avec les clones d’Amy Winouze, Garth Alger, Liam Gallagher et une douzaine de Beatles, prendre le réflexe d’appeler tout le monde « Ma’e » pour faire couleur locale, échapper tant bien que mal aux projets de viol de l’ex de Steve Hewitt, vider le stock de Guinness du bateau avec un Allemand, danser sur Joy Division pour célébrer l’ironie, se faire écraser par une masse grouillante amoureuse de son groupe et finir par dormir 3 heures avant de rentrer parce que les Anglais suivants t’attendent à Paris.

On va peut-être aller dormir, hein.

À peine arrivés à Liverpool, le gros sous-marin jaune qui trône devant le John Lennon Airport donne le ton : nous sommes ici en terre rock n’roll. Un bus et un hôtel plus tard, nous trouvons le groupe attablé dans l’arrière-boutique du HMV local. Murph’ (Matthew Murphy, chant et guitare), Tord Øverland-Knudsen (batterie) et Dan Haggis (guitare et chant) sont surexcités. Aujourd’hui sort le single Let’s Dance to Joy Division, foutrement d’actualité alors que Control vient juste de squatter les écrans, et les Wombats veulent fêter ça en famille et en live. Une session acoustique a lieu cet après-midi au magasin et une foule de lycéens encore en uniforme vient d’envahir le sous-sol de l’HMV après avoir sagement patienté dans la rue. Les Wombats leur offrent 4 titres en acoustique (Moving to New York, Kill the Director, (I Live In) Kenneth Cloak’s Beard et Let’s Dance to Joy Division) avant de se prêter à une rapide séance de dédicaces en guise de mise en bouche ; la vraie fête sera ce soir et demain, avec deux release-parties sur un bateau voguant sur la Mersey, le fleuve local.

Combis et Combo : sons sur un bateau.

Durant le dîner Murph’ confiait : « une soirée sur un bateau, beaucoup de groupes l’ont fait. Mais sur un bateau en surcharge, sans barrière entre le public et la scène, et d’ailleurs sans scène du tout, ça non, c’est inédit ». Une fois sur place, c’est en effet ça. Le Royal Daffodil déborde de gens en costumes. On va du pirate classique à Amy Wynehouse en passant par Garth Algar, quelques punks et une douzaine de Beatles. Tout le monde picole joyeusement alors que dans la salle se suivent des groupes amis des Wombats qui, déguisés en cow-boys et en collégienne, discutent avec tout le monde. Quand les Wombats montent sur scène, c’est l’émeute. La sécu a du mal à contenir la masse grouillante et suintant la bière qui se secoue en rythme sur Backfire at The Disco et Kill the Director. Il faudra plusieurs pauses dans le set pour calmer l’hystérie collective et évacuer les victimes. En rappel, les Wombats reviennent pour un de leur classique, la reprise du thème de Postman Pat en norvégien par Tord, avant de définitivement foutre le feu avec Let’s Dance to Joy Division qui achève la sécu et la soirée. Inoubliable.

« Murph’ et moi étions dans deux lycées différents mais nous jouions au cricket l’un contre l’autre. Comme on traînait dans des groupes pourris qui jouaient dans les mêmes salles, on se croisait souvent. Mais nous sommes vraiment devenus amis en arrivant au Lipa », explique Dan. Le Lipa, c’est le Liverpool Institute for Performing Arts, un institut créé en 1996 par Paul McCartney. Dan et Murph’ y passent un an avant que Dan ne quitte l’institut pour aller étudier le français et l’espagnol. L’année suivante Murph rencontre Tord, Norvégien venu étudier au Lipa, et tous trois commencent à jammer ensemble. Murph’ se souvient : « Tord jouait dans 8 groupes en même temps, tous les soirs il faisait un concert avec un combo différent. À un point, Dan et moi nous étions tellement des connards sur scène qu’il a failli nous lâcher, on était pas assez cools pour lui. » Le compromis entre auto-dérision et classe rock n’roll trouvé, auto-baptisés dans la foulée –  le Wombat, un marsupial australien à grosse fesse, était leur insulte préférée quand le groupe s’est monté –, le trio fait rapidement parler de lui à Liverpool et autour. « On aime que les gens qui nous voient sur scène pensent qu’on est dingues », explique Dan. « On oublie pas un groupe quand son concert était délirant ». Le bouche-à-oreille fonctionne tellement bien que les Wombats brûlent les étapes, partant en tournée en Chine grâce au Lipa ou remplissant le Carling Academy de Liverpool – « notre premier concert ici où nous ne connaissions pas tout le monde de prêt ou de loin » (Dan) – avant même d’être signé. C’est le label 14th Floor (Damien Rice, Biffy Clyro) qui les prend sous son aile début 2007 avant de les envoyer en tournée pour 48 dates avec seulement 4 jours de pause. « C’est nous qui avons demandé ça. Dans la vie, tu as parfois besoin de faire des erreurs pour savoir que jamais plus tu ne les commettras encore. C’est un excellent exemple. Nous avons tenu 35 dates de suite, mais après un aller-retour en 24h pour aller jouer avec les Kaiser Chiefs en Espagne, nos corps ne suivaient plus. Il a fallu annuler la dernière semaine de tournée, à contre-cœur. » Leur premier album A Guide to Love, Loss and Desperation sortant le 5 novembre, ils tournent en Europe jusqu’à la fin de l’année. « Plus on fait de concerts et mieux c’est », explique Murph’. « L’année prochaine on jouera au Royal Albert Hall de Londres, ça va être magique. Mais mon rêve serait de jouer au Cap Horn pour un public de pingouin ». Avant que Dan renchérisse : « et moi dans la baie de Rio, sur une barge comme Greenday dans les Simpsons. » Voilà qui promet.

 Nerina PallotEverybody’s Gone to War